Accueil » Blog » Quiet quitting : le service public est-il menacé ?

S’en tenir strictement à ce qui est énoncé dans sa fiche de poste et refuser d’accomplir ce qui n’est pas mentionné : c’est le principe de la « démission silencieuse ». Ce phénomène émergent est plus connu sous le nom de quiet quitting. La nouvelle tendance, popularisée via les réseaux sociaux, fait écho à une réalité prenant de l’ampleur au sein des entreprises. Le service public est-il menacé par cette vague ? Quelles raisons expliquent ce renoncement et quelles pistes sont à explorer pour prévenir cette dérive ? Réponses.

Quiet Quitting : la nouvelle tendance TikTok

SI vous ne connaissez pas encore ce réseau social, TikTok est une application mobile de partage de vidéos, sic : « Les tendances commencent ici ». Son usage a explosé ces dernières années, en particulier auprès du jeune public. Gage de reconnaissance, la viralité d’une vidéo constitue le Graal pour des utilisateurs dont les yeux sont rivés sur le nombre de vues.

Ainsi, depuis cet été, un nombre croissant de vidéos sur le thème du quiet quitting y ont été publiées, certaines enregistrant plusieurs millions de vues en quelques semaines ! Par exemple, l’Américain Zaid Khan, assis sur un banc, explique : « J’ai récemment entendu parler du terme de « démission silencieuse », qui désigne le fait de ne pas quitter son emploi purement et simplement, mais plutôt d’abandonner l’idée de tout donner pour son travail ».

Autre exemple, un utilisateur du réseau exhorte ainsi les actifs : « Arrêtons de nous tuer à la tâche, de cautionner la ‘hustle culture‘ (culture du burn out), le travail n’est pas votre vie et votre valeur n’est pas indexée à votre productivité ».

Quiet Quitting : comment… et pourquoi ?

La « démission silencieuse » ne rime pas avec un refus de travailler, ni avec l’adoption d’une attitude dilettante. Les salariés ou agents concernés se bornent à exécuter leurs missions de manière professionnelle, mais suivant des règles très restrictives :

  • ils ne répondent pas aux sollicitations en-dehors de leurs heures de travail (téléphone, mail…), revendiquant pleinement leur droit à la déconnexion,
  • ils refusent de faire la moindre heure supplémentaire,
  • ils n’acceptent pas d’effectuer des tâches qui ne sont pas expressément mentionnées dans leur fiche de poste.

Pour comprendre les motivations à l’origine du quiet quitting, il s’agit d’analyser le phénomène de désengagement professionnel. En effet, depuis la pandémie, de nombreux salariés et agents ont une vision nouvelle de leur rapport au travail, ils souhaitent poser des limites en vue de préserver leur santé et leur qualité de vie.

Quiet quitting : qui sont les agents du service public concernés ?

La génération Z porte majoritairement les messages promouvant le quiet quitting. En effet, nombreux sont les jeunes actifs à s’opposer à une forte mobilisation professionnelle, nuisant à leur vie personnelle et à leur équilibre mental. A défaut de chercher un nouvel emploi, certains travailleurs choisissent ainsi d’opter pour le « minimum syndical », peu soucieux des conséquences d’un tel parti-pris pour le reste de l’organisation.

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Seuls 6 % des salariés Français se déclarent engagés au travail !

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Ainsi, la démission silencieuse fait bien écho aux problématiques de l’engagement des collaborateurs. L’enquête Gallup internationale 2022 consacrée à « l’état du monde du travail » ​souligne que seulement 21 % des 1 000 personnes interrogées se disent « engagées »  dans leur travail[1] ! Ce chiffre se dégrade même jusqu’à atteindre 14 % pour l’Europe… Et la France enregistre un taux historiquement bas : 6 % ! A noter, « l’engagement » d’un salarié est défini dans le cadre de cette étude comme son implication et son enthousiasme sur son lieu de travail.

Après la démission silencieuse, la démission tout court ?

Du Quiet quitting au big quit (grande démission), il n’y aurait qu’un pas ? Si l’on se fie à une étude Microsoft menée au niveau français, 41 % des salariés déclarent envisager de démissionner cette année[2] ! En effet, certains secteurs font face à une véritable fuite des talents. Toutes les explications sur la Grande Démission sont précieuses à connaître !

Ces deux tendances ne sont pourtant pas comparables, dans le sens où une démission implique une réelle perte de pouvoir d’achat pour le travailleur. Avec l’inflation galopante, peu d’actifs optent pour cette alternative. Dans les deux cas, en revanche, ces phénomènes illustrent une véritable insatisfaction, conduisant à un désengagement professionnel notable et préjudiciable pour l’organisation.

Au-delà d’un véritable travail de fond sur la marque employeur, il convient pour les collectivités et établissements publics de s’assurer que l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée est bien respecté, que les agents se sentent reconnus, que leurs rémunérations correspondent autant que possible aux exigences de leurs postes.

Quiet quitting : et le droit du travail dans tout ça ?

SI le phénomène de burn out est aujourd’hui bien connu, l’épuisement professionnel lié à une forte surcharge de travail n’est pas la seule dérive pouvant expliquer la mouvance évoquée ici.

On le sait, la France est adepte du présentéisme. Qui n’a jamais entendu un travailleur se plaindre de devoir rester tard au travail pour se faire bien voir, sans pour autant que sa mission ne le nécessite ? En Angleterre ou en Scandinavie, réaliser des heures supplémentaires de manière régulière souligne au contraire l’inefficacité, le manque de compétences et d’organisation d’un salarié.

Alors oui, le quiet quitting est une pratique respectant le droit du travail : on ne peut exiger d’un salarié davantage d’heures ou de missions que celles qui sont spécifiées dans son contrat de travail. Pour autant, rares sont les fonctions n’appelant pas de tâches annexes, à gérer en bonne intelligence.

Ici, le plein engagement et l’esprit d’équipe de l’agent feront la différence et apporteront une véritable valeur ajoutée au travail. Des actions sont à mener de la part des managers… mais aussi des collaborateurs !

Service public : comment éviter la vague de démissions silencieuses ?

En tant qu’agent, il est indispensable de communiquer auprès de son manager concernant ses envies, frustrations ou besoins. Pour commencer, il y parfois des incompréhensions entre ce qui est attendu par le responsable et ce qui est compris par l’agent, des mises au point en toute transparence doivent pouvoir prendre place à tout moment. Attendre la période des entretiens d’évaluation pour libérer sa parole serait une erreur !

Ainsi, un agent qui déciderait de ne plus accomplir certaines missions, estimant qu’elles ne s’inscrivent pas dans son périmètre contractuel, peut mettre en difficulté tout un service. Le manager doit être alerté et des discussions doivent s’engager au plus vite pour déterminer les solutions envisageables.

De la même façon, de potentielles revendications concernant une surcharge de travail ou un non-respect du droit à la déconnexion doivent être remontées dans la hiérarchie, qui peut manquer de visibilité sur ces phénomènes. Au travail comme ailleurs, la communication est clé pour désamorcer des conflits afin que chaque partie prenante puisse évoluer sereinement, conformément aux intérêts individuels et partagés.

Concernant les managers, il est important de pratiquer une écoute active et de veiller à ce que les agents s’épanouissent dans leur travail. Il revient aux employeurs publics de s’assurer que leurs salariés approuvent leurs conditions de travail et trouvent du sens dans l’exercice de leurs missions.

Des échanges réguliers et libres viennent alimenter un cercle vertueux : les agents se sentent écoutés, compris, valorisés… Pour les managers, il s’agit de s’impliquer et de s’investir. A la clé, des agents impliqués et investis 😉 Plutôt évident, non ?

Pour aller plus loin sur le sujet de l’engagement au travail, nous vous invitons à découvrir un livre blanc exclusif :

[1] https://www.gallup.com/workplace/349484/state-of-the-global-workplace-2022-report.aspx

[2] https://news.microsoft.com/fr-fr/2022/01/11/la-fidelite-a-son-entreprise-ce-capital-qui-sepuise/