Accueil » Blog » Recrutement & IA : vers une utilisation vertueuse

Dans le domaine des RH, c’est bien dans le domaine du recrutement que l’on a le plus souvent recours à l’intelligence artificielle. Son champ d’application est vaste : de la rédaction d’une offre d’emploi au déroulé des entretiens d’embauche, les algorithmes garantissent des gains de productivité concrets. Pour autant, la machine ne peut remplacer l’humain ; il convient de prêter attention à certains points de vigilance pour une utilisation responsable et efficace de l’IA. Mode d’emploi ci-dessous.

L’IA appliquée à la rédaction d’offres d’emploi

Première interaction potentielle entre un candidat et une collectivité : l’annonce d’offre d’emploi. La rédaction de cette dernière concentre l’attention du service RH, rien ne doit être laissé au hasard pour capter l’attention d’un talent.

Avec l’intelligence artificielle, il est aujourd’hui possible d’identifier les mots-clés les plus porteurs, ceux qui conduiront les candidats les plus adéquats à postuler à l’offre. Un peu plus technique, l’outil « sentiment analysis » vise à déterminer le ton le mieux approprié dans le cadre de la rédaction d’une annonce, au regard des sentiments générés à la lecture du texte. Enfin, ultime étape, certains robots sont déjà en capacité de rédiger l’annonce de manière autonome.

Josefina Gimenez, Directrice de recherche du cabinet Artimon, évoque ce nouveau levier / moyen de rédaction choisi par des professionnels de l’écriture : « Washington Post annonce avoir fait produire 800 articles via une IA, ça peut être très utile pour la rédaction de synthèses, de brèves. Dans le milieu légal, on l’utilise énormément ». Journalistes comme professionnels RH peuvent ainsi générer des économies de temps mesurables !

Algorithmes et sourcing

Gilles Simon, associé chez Artimon, est formel : « Quand on parle d’IA et de recrutement, on va d’abord parler de sourcing, soit l’identification des candidats. Ainsi, une solution française qui s’appelle Goldenbiz s’appuie sur un algorithme pour publier les annonces de recrutement sur les sites proposant le plus de profils de candidats corrélés aux critères de recherche. Non seulement les sites, mais aussi les créneaux de publication des annonces :

  • on définit le profil type de la personne que l’on veut recruter (localisation, parcours académique, poste) ;
  • l’algorithme propose des sites et des horaires sur lesquels il pourra pousser les offres (sans se limiter à des sites dédiés au recrutement). »

Ainsi, une collectivité peut toucher des candidats en recherche active, mais également des profils ‘en sommeil’, qui sont donc beaucoup moins sollicités par les autres employeurs potentiels.

Autre exemple de cas d’usage : « des solutions sont capables de cibler précisément certaines communes, , au sein desquelles la plus forte concentration de candidats disposant de compétences précises recherchées par des employeurs a été identifiée », explique Gilles.

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Pour bien trouver, encore faut-il savoir où chercher !

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La part belle faite à la mobilité interne

Aujourd’hui, plusieurs logiciels de recrutement intégrant de l’IA permettent d’automatiser l’analyse de CVs. Par exemple, des outils innovants permettent d’identifier les profils pertinents sur Internet via un algorithme de matching.

Autre possibilité, l’IA est en capacité de définir des parcours de mobilité interne de sorte à exploiter les pleins potentiels de chacune et chacun. Les recommandations émises reposent sur l’analyse de la cartographie des compétences et du potentiel des agents en place dans l’organisation.

Ce tri automatisé des CVs garantit une préqualification efficace des candidatures. Le traitement en masse permet de passer au crible des milliers de profils en un temps record ! La shortlist de candidats potentiels préétablie, le recruteur peut alors se concentrer sur la prise de contact avec les talents.

Des entretiens d’embauche du 3e type

Echanger avec une machine dans le cadre d’un processus de recrutement ne relève plus de la science-fiction ! Cette pratique séduit un nombre croissant d’organisations en France. Josefina Gimenez, Directrice de recherche du cabinet Artimon, évoque l’exemple de l’Oréal : « Le chatbot Mya interagit avec les candidats, il intervient dans l’étape de présélection. Il peut checker certaines compétences, l’historique ou poser des questions complémentaires pour bien comprendre la motivation ou le parcours d’un candidat. Ce chatbot réaliser son travail d’interprétation grâce au TAN (traitement automatique du langage naturel) et au machine learning. Il va ensuite produire une synthèse pour le recruteur  permettant d’augmenter de manière exponentielle le nombre de candidatures étudiées. »

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Etude d’une candidature avec Mya : 5 mn vs 45 mn pour un recruteur

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Les possibilités offertes par le deep learning sont illimitées. En imitant les réseaux et connexions de neurones du cerveau humain, l’IA est en capacité d’accomplir les activités suivantes :

  • La reconnaissance faciale,
  • L’analyse des sentiments et émotions humaines,
  • La compréhension du langage à un niveau très poussé…

Ainsi, Josefina donne l’exemple de la société Higher View, basée aux Etats-Unis. « Ils utilisent la vision par ordinateur dans leur processus de recrutement pour évaluer les candidats. La méthode se base sur l’analyse d’interviews vidéo. Gestuelle, mouvements, langage, etc. : tout cela est interprété pour aboutir à une sorte de profilage des candidats. ». Là où le regard humain peut laisser échapper certains détails, l’intelligence artificielle promet une rigueur sans faille. Preuve que ce dispositif se répand : « certaines universités commencent à proposer des formations aux étudiants en fin de parcours pour les entraîner au passage d’entretiens avec des robots, avec de l’intelligence artificielle », précise Josefina.

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En Corée, les recrutements ne se font que par screening avec une IA !

Régis Baudouin, Président d’Eksaé

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Les points de vigilance

Avec l’IA sont apparus des failles algorithmiques. Ces dernières émanent des biais cognitifs des recruteurs, qui peuvent déformer leur vision de la réalité. Rappel des 5 principaux biais qui sévissent lors des entretiens de recrutement :

  1. L’effet de halo

Comparer le candidat à soi-même et en tirer des conclusions hâtives via ce prisme. « Il a suivi les mêmes études que moi, il s’agit d’un bon candidat ». Au-delà des analogies et points communs, un candidat doit être évalué suivant un ensemble de critères, aussi impartiaux que possible.

  1. La généralisation excessive

Estimer que certaines informations justifient la décision. « La candidate n‘apporte que des réponses courtes à mes questions, elle n’est pas motivée. » Pour éviter ce phénomène, la technique des « pourquoi » se révèle efficace (pourquoi serait-il mal à l’aise, pourquoi…), sans tomber dans l’empathie extrême pouvant elle aussi s’avérer excessive !

  1. L’illusion du savoir

Se fier à un savoir illégitime pour prendre une décision. « J’ai entendu dire qu’un candidat qui gardait les bras croisés indiquait une fermeture d’esprit, cette attitude est très révélatrice ».  Un comportement ou une posture (body language) ne révèle pas toujours la véritable nature d’un individu !

  1. Le biais d’autorité

Surévaluer la valeur de l’opinion d’une personne que l’on considère comme ayant une autorité sur un sujet précis.  « Un agent qui travaille pour notre collectivité depuis 5 ans au même poste pense que son profil est adapté, on peut lui faire confiance ». Attention aux jugements qui surviennent en amont d’un entretien !

  1. L’effet d’ancrage mental.

S’en tenir à sa première impression pour prendre une décision.  « La candidate n’a pas salué l’équipe en entrant dans les locaux, elle a des problèmes évidents de sociabilisation. » Les premières minutes d’une rencontre peuvent être stressantes, un temps d’adaptation est souvent nécessaire pour qu’un candidat se sente à l’aise.

Pour rappel, l’IA est un champ de recherche préempté par l’humain : « quand on parle de biais algorithmiques, c’est tout simplement le versant digital de nos failles cognitives humaines », explique Josefina.  Ainsi, des algorithmes peuvent être faussés par la manière de penser de la personne ou du groupe à l’origine de sa conception. « Il faut prendre en compte cet élément, parce que les impacts peuvent être assez négatifs . Certains grands distributeurs ont ainsi eu recours à un algorithme de recrutement qui favorisait les hommes. », illustre l’experte.

La projection des stéréotypes conduit à une réponse technologique inadéquate.

Autre point d’attention lié à l’utilisation de l’IA dans le processus de recrutement : le risque d’élimination des profils atypiques. Si l’on missionne une IA avec une grille d’évaluation trop formatée, le risque de clonage des candidatures s’accroît. La recrudescence de profils très linéaires limite la diversité, or le brassage de candidats d’horizons différents participe à une émulation positive et nourrit l’ouverture d’esprit.

D’ailleurs, un candidat peut être tenté de donner les réponses qu’il pense être attendues pour se conformer au profil souhaité. Mais là encore, l’IA propose une solution : « l’interview mocha est une plateforme qui utilise l’IA pour valider le comportement des candidats au moment de leur réponse et valider qu’ils sont honnêtes dans leur démarche, pour éviter les tricheries », explique Gilles Simon, associé du cabinet Artimon.

Conclusion : l’IA, une puissante assistante RH

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L’IA ne remplacera pas l’humain, mais elle sera là pour accompagner et soutenir une démarche.

 

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Gilles Simon est formel : « l’IA ne remplacera pas l’humain, mais elle est là pour accompagner et soutenir une démarche. »  Il revient aux responsables RH de définir le juste équilibre entre l’automatisation de tâches à faible valeur ajoutée et la prise de décision basée sur une analyse réalisée par une IA. L’intuition ne saurait être remplacée par un algorithme ! Ce dernier se révèle pertinent pour analyser des listes de compétences, d’expériences, des souhaits de mobilité, etc. Le recruteur pilote son activité et reste le mieux placé pour déterminer si un candidat matche avec une nouvelle opportunité. Une chose est certaine : nous n’avons pas fini d’entendre parler du recours à l’IA en matière de recrutement, de nouvelles innovations sont développées en continu. Pour tirer le meilleur de la technologie, il s’agit de s’informer et… se former, le cas échéant !